Santé mentale- Grande cause nationale?

On voit aujourd’hui se multiplier les initiatives dites « bienveillantes » autour du "bien-être mental", portées notamment par un certain discours, incarné en entreprises ou autres acteurs socio-économiques.

Sous couvert de philanthropie -et avec plus ou moins de bonne foi -se diffuse un discours où la santé psychique devient avant tout l’affaire de chacun : il s’agirait pour l’individu d’apprendre à “se gérer”, à “renforcer sa résilience”, à redevenir “acteur de son rétablissement”- on notera le glissement sémantique du lexique managérial à celui de l’intime.

Mais derrière cette rhétorique flatteuse de l’autonomie se profile une toute autre logique : celle du désengagement collectif. En renvoyant le sujet souffrant à sa seule responsabilité, ces dispositifs détournent le regard des causes sociales, économiques et symboliques de la souffrance.

Ainsi, le “bien-être mental” tend à devenir un impératif d’adaptation, une injonction à rester productif et fonctionnel malgré tout — au lieu d’ouvrir un espace de parole et de réflexion qui permettrait d’interroger ce qui, dans notre organisation sociale, produit et/ou entretient la détresse.

Il est vrai qu’une telle réflexion conduirait logiquement à envisager la place et l’attention accordées à ceux qui ne produisent pas/ ou plus. Vaste programme.

À rebours de cette logique d’auto-gestion psychique, la psychanalyse propose un autre espace : celui où le sujet n’a rien à “performer”. Il ne s’agit pas de “se réparer”, encore moins de “se rétablir” selon des critères d’efficacité, ou d’une normalité dont les impératifs ne sont inscrits dans aucun marbre, mais d’accueillir ce qui en soi résiste, échappe, trébuche.

Là où les discours contemporains prescrivent des outils, des recettes et des protocoles, la psychanalyse ouvre un lieu où l’on peut cesser de faire — pour enfin dire. Dire ce qui se répète, ce qui échappe au contrôle, ce qui fait mal sans qu’on en saisisse la cause.

Ce travail ne vise pas l’adaptation, mais la rencontre : rencontre avec soi, avec son inconscient, et parfois avec une vérité singulière qui libère et permet de vivre, au-delà de la survie.

C’est une démarche profondément subversive, en ce qu’elle réintroduit le sujet là où une société ne souhaite qu’un individu performant et calme…et silencieux. Pas de vagues, surtout pas de vagues.